Chaos au siège de la CDPA : Opposants et journalistes, cibles de la furie des miliciens
La scène était digne d’un cauchemar éveillé. Ce qui devait être un rassemblement pacifique au siège de la Convention Démocratique des Peuples Africains (CDPA) où se tenait une rencontre citoyenne publique entre le député sénégalais Guy Marius Sagna, la Dynamique de la majorité du peuple (DMP) et la population togolaise, s’est rapidement transformé en un champ de bataille, avec des miliciens en furie s’en prenant indistinctement aux opposants et journalistes présents.
Cette attaque, qui s’inscrit dans un climat politique tendu, montre à quel point la violence est devenue un instrument courant pour museler les voix dissidentes et réduire au silence les observateurs comme les journalistes.
Ce dimanche 29 septembre 2024, mon arrivée tardive sur les lieux n’a fait que me plonger directement au cœur du chaos. Alors que je descendais de mon taxi-moto (Zémidjan), des bruits sourds d’affrontement s’élevaient déjà de l’intérieur du siège laissant présager le début d’une altercation. En un éclair, le portail s’est ouvert, révélant une horde de miliciens déchaînés, armés de chaises qu’ils brisaient avant de s’en servir pour attaquer les personnes présentes. Journalistes, militants et opposants n’avaient d’autre choix que de fuir ou de tenter de se défendre face à cette violence insensée.
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Mon réflexe journalistique a immédiatement pris le dessus. J’ai sorti mon téléphone pour filmer cette scène surréaliste, consciente qu’en tant que témoin, ma responsabilité était de documenter cette attaque. Mais très vite, je suis devenue une cible. Tandis que je capturais des images, j’ai vu un groupe de trente à quarante hommes se ruer sur un confrère journaliste, le battant avec une brutalité in- descriptible. Ils l’encerclaient, lui posant des questions : « Toi, tu es togolais ? » ou « Lui aussi, il est togolais ? ».
En tentant de m’interposer, espérant dissiper un malentendu, j’ai immédiatement été prise pour cible par cette foule visiblement déchaînée. Ils m’ont projetée au sol, me frappant sans répit. Mon casque m’a offert une protection partielle, mais leur violence était implacable. Ils m’ont arraché mon téléphone, mon outil personnel servant aussi pour le travail sur place, avant de se disperser. Impuissante, j’ai assisté à la destruction des véhicules stationnés devant le siège, leurs vitres brisées à coups de bâtons et de briques. Parmi les victimes ensanglantées, j’ai pu apercevoir le député sénégalais et de la CEDEAO, Guy Marius Sagna, sortir du local de la CDPA, sur le point de tomber avant d’être rattrapé par certaines personnes qui l’ont immédiatement conduit aux urgences de la clinique Barruet.
Les miliciens, après avoir semé la terreur, se sont dispersés en direction du marché de Bè (Ouest), tandis que les gendarmes, qui auraient pu intervenir, se retiraient discrètement du lieu du côté Est. J’ai péniblement regagné mon domicile, le corps couvert d’ecchymoses, et une fièvre montante me contraignant à consulter un cabinet médical. À ce jour, je souffre encore des séquelles physiques et psychologiques, notamment des douleurs abdominales et des céphalées persistantes.
Cet épisode tragique, loin d’être un incident isolé, reflète une tendance inquiétante dans notre pays. La violence devient un outil de répression, utilisé non seulement contre les opposants politiques, mais aussi contre ceux qui ont pour mission de rapporter la vérité : les journalistes. Le fait que ces miliciens s’en soient pris à nous, sans que la moindre autorité n’intervienne, est un signe alarmant du climat de terreur qui s’installe dans notre pays. Ils se sont assurés que nos outils de travail, nos téléphones, soient arrachés et détruits dans le but de supprimer toute preuve visuelle les liant à leur forfait, effaçant ainsi les traces de leurs actes violents.
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En tant que journaliste, je m’en remets à notre engagement pour la vérité, malgré les risques et les violences. Cet événement doit servir de réveil, non seulement pour les autorités, mais aussi pour la société civile. La liberté de la presse et la sécurité des citoyens ne peuvent être sacrifiées sur l’autel des ambitions politiques et de la terreur organisée.
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Aujourd’hui, je me relève, plus déterminée que jamais, pour dénoncer ce chaos et faire face à cette brutalité inacceptable.
Yvette SOSSOU